Je sens le froid m'envahir. Ma vue se trouble, tout n'est plus que tenebres. Je sens le metal froid et tranchant se frayer un chemin dans mes tripes nouées. Je sens mon sang se rependre autour de moi. Plus je le sens couler, chaud et souple, plus je me sens froid et raide.
Je suis là, etendu, avec les ternes lumieres de cette station de métro et le regard des passants anonymes pour seul linceul. J'entends certains pousser des cris, des exclamation, la plupart tourne seulement les yeux en se disant
- « Bah, un camé de plus... Il l'avais surement bien merité. On est vraiment plus en sécurité nul part. »
Tous mes sens me quittent peu à peu. Je n'entends même plus les passants, je ne sens plus rien. Je suis mort. Mort poignardé dans un coin puant la pisse de la station Chatelet. Poignardé par un autre junkie qui m'avait filé pour me tirer ma dope.
Comme quoi la vie d'un homme ne vaut vraiment pas grand chose... en quelques minutes a peine, on passe du statut d'homme vivant au statut de cadavre repugnant, de cellules en activité en flaque de sang inerte. Tout ça pour une pauvre dose d'hero.
Vous avez bien raison ma ptite dame, on est plus en sécurité nul part.
Je m'enfuie, mon tresor bien planqué dans une poche de mon blouson. Je traverse en courant la foule des Anonymes. Ils ont du le trouver maintenant. Et apres... ce n'etait qu'un camé, qui ira le pleurer. Je n'ai pas de regrets a avoir, il aurait fait pareil. Ici c'est la jungle, tué ou être tué, il n'y a pas d'alternative. Et puis, sa mort me permettra de survivre, au moins un moment ; apres il faudra recommencer...
Je sors enfin du metro, je me jette dans la rue, le vent glacial du mois de novembre me pétrifie.
Je penetre dans un vieux bar miteux, le patron me connait et sait pourquoi je suis là. Il m'ouvre une petite porte qui donne sur le reste de l'immeuble, investi par les marginaux, les clodos, et les autres camés comme moi. Ceux qui comme nous se sont fait exclure, ou se sont exclus de cette société. Nous sommes des parias. C'est dans cette atmosphere puante et lourde de rancoeur, que je peux enfin profiter de mon butin, là où je vis mes seuls moments de bonheurs, artificiels. C'est toujours le meme rituel, la cuillere que l'on chauffe, la ceinture qui se ressert lentement autour de mon bras maigre et deja tellement troué, la seringue que l'on remplit (la meme que d'habitude evidemment) et enfin ce souffle, ce bonheur inimaginable qui monte en moi. La seringue tombe et se brise en pailettes de verre. Je m'ecroule, je ne me releverai pas... jamais.
Je suis ici, je baigne dans ma bave, ma pisse et ma gerbe. Je meurs doucement, grace a ce qui fut mon seul plaisir dans cette vie minable.
Je repense au gars que j'ai planté tout a l'heure... est ce qu'il a senti ça aussi ?
Et apres tout, je m'en fous... nous n'etions que deux camés... qui nous pleurera ?
Spleen-et-Ideal
Spleen... Spleen... Spleen... Ideal ?
Jeudi 29 janvier 2009 à 21:15
Commentaires
Par Nolly le Mercredi 3 juin 2009 à 0:42
Le deuxième paragraphe m'évoque plutôt Damien Saez que Marc Renton (même si), fais gaffe hein! :O
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